Quelles boissons de récupération choisir ?
Serge Pieters, Diététicien agréé, Nutrition du sport,
L’activité physique vient de se terminer, c’est le moment où le sportif doit penser à restaurer au mieux et au plus vite toutes les pertes occasionnées pendant l’épreuve. En effet, la réhydratation post-exercice est indispensable pour le fonctionnement correct de l’individu. Une mauvaise réhydratation risque d’induire divers troubles physiologiques et ne permettra pas au sportif de recommencer une série, une compétition ou tout simplement un entraînement.
Les objectifs d’une boisson de récupération sont de rétablir toutes les pertes hydro-électrolytiques, glucidiques, et protéiques occasionnées pendant l’effort.(1, 2) (Ne sont pas abordés dans ce résumé les notions spécifiques liées aux glucides, protéines et certains micronutriments)
A la fin des efforts d’endurance, la majorité des sportifs sont déshydratés. En effet, les sportifs ne parviennent à restaurer leurs pertes hydriques qu’à raison de 30-70 % (3). En cas de déshydratation supérieure à 2% du poids de corps, il semble difficile de réhydrater correctement un sportif en moins de 6 heures. Or, plus la stratégie de réhydratation est commencée tôt, moins le sportif ressentira d’effets secondaires. En pratique, au terme de cette période, le sportif devra obtenir des urines claires.
De même qu’à l’effort, la soif n’est pas un bon marqueur de déshydratation. Après l’effort, ce facteur n’est toujours pas fiable. D’autre part, la mesure de la déshydratation par, notamment, la technique de la double pesée (avant et après l’effort) ne renseigne qu’une partie de la problématique. En effet, la déshydratation se poursuit tant par les voies sudorales que respiratoires, sans oublier les pertes urinaires.
La question à se poser est de savoir quel volume restituer. Ainsi, selon les travaux de Shirrefs (13 sports drinks) après une déshydratation à l’effort de 2% de masse corporelle, seuls des volumes hydriques de l’ordre de 150 à 200 % des pertes sudorales permettent de restaurer entièrement les pertes. De manière évidente, plus le volume apporté est élevé plus la production d’urine augmente. Il en ressort que classiquement les recommandations sont de fournir 150% des pertes mesurées.
L’eau pure reste la meilleure des boissons de récupération pour tout effort de moins de 45 minutes. Par contre, pour des efforts plus long l’ajout d’électrolytes semble indispensable.
Le sodium est, après l’eau, l’élément le plus important dans la sueur (20 – 80 mmol/l). Or, les pertes sudorales peuvent être importantes et les boissons pour sportifs ne sont pas toujours adaptées quant aux concentrations en sodium. Il en ressort qu’il est indispensable de compenser les pertes après l’activité physique, l’idéal étant de restaurer les quantités exactes de sodium perdues. Cependant, les teneurs en sodium dans la sueur sont fortement individuelles. En pratique, seuls des tests de la sueur peuvent nous aider, mais il parait évident que ce test ne concernera pas le sportif occasionnel.
Ainsi, en cas d’effort prolongé, l’eau pure n’est pas la meilleure des boissons de récupération, il importe d’ajouter du sodium (50 mmol/l) et éventuellement du potassium (25 mmol/l) (4). En effet, un apport considérable d’eau après une déshydratation importante aura pour effet d’augmenter de manière rapide le volume extracellulaire, sans augmenter l’hydratation intracellulaire, induisant une chute de la concentration plasmatique de sodium, de l’osmolalité plasmatique, réduction de la sensation de la soif et une réponse hormonale (réduction des taux de rénine et d’aldostérone) provoquant une élévation de la diurèse.
L’intérêt du sel dans la boisson de récupération ne se limite pas uniquement à la restauration des pertes, mais améliore également l’absorption intestinale du glucose. Elle permet encore de « réinitialiser » les papilles gustatives écœurées par une consommation importante de glucides à l’effort.
Les boissons pour sportifs contiennent en général de 10-30 mmol/l de Na, tandis que les jus de fruits, limonades n’en contiennent quasi pas.
Cependant, l’ajout de sel aura un impact sur le goût de la boisson et peut créer des situations de dégout avec le risque de réduire la consommation de boisson. Même si nos habitudes de consommation font que nous avons une consommation importante de sel, après un effort de longue durée et/ou de pertes importantes de sueur, la boisson doit être enrichie en sodium. Dans cet ordre d’idée, l’ajout de sel peut également se faire par la voie des aliments (biscuits salés, bouillons, potages, repas de récupération). Par contre, l’usage de pastilles de sel sera fortement déconseillé.
Le potassium, cation intracellulaire, pourrait-il améliorer l’hydratation dans les cellules musculaires ? Le potassium, deuxième élément minéral perdu dans la sueur, doit être compensé. Après des efforts de longue durée où les pertes en potassium sont majorées (microlésions, déplétion glycogénique, sueur abondante), les risques d’hypokaliémie sont grands (réintroduction de potassium dans les cellules, glycogénèse, reprise de la diurèse). Selon les travaux de Maughan, il semble qu’un apport de l’ordre de 25 mmol/l de KCl puisse être aussi efficace qu’une boisson contenant 60 mmol/l de NaCl (5). Cependant, il ne semble pas que l’ajout des deux ions puisse jouer un rôle différent dans la restauration intra- et extracellulaire. En cas de non-adjonction de potassium dans la boisson de réhydratation, il sera important de fournir lors des repas des aliments riches en potassium (bouillons, potages, légumes et fruits et céréales complètes, …)
Pour les sportifs qui se plaignent de problèmes de crampes musculaires en post-exercice, il ne semble pas prouvé qu’un apport en magnésium dans la boisson de récupération puisse les prévenir. Seul une réhydratation correcte permet de les éviter.
L’ajout de vitamines dans la boisson de récupération n’est pas nécessaire. Une alimentation variée, équilibrée, saine et savoureuse avant et après l’effort est recommandée. De plus, les vitamines de synthèse comme souvent trouvées dans les boissons pour sportif n’ont pas la même efficacité physiologique.
L’usage de boissons riches ou enrichies en bicarbonates est une habitude dans le monde du sport. Cependant, peu d’études établissent réellement l’impact d’une consommation de bicarbonate, juste après l’effort, sur la récupération. Théoriquement, l’utilisation de boissons bicarbonatées permettrait de raccourcir le délai d’acidose métabolique après l’effort. Cependant, cette acidose est limitée dans le temps.
Normalement, le rééquilibrage du pH sanguin, par la respiration, la reprise de la fonction rénale et la transformation du lactate dans le foie doit s’effectuer en une demi-heure voire une heure.
Ainsi, uniquement dans la première heure de récupération, l’utilisation d’eaux riches en minéraux et bicarbonatées (ex : Badoit, Quezac, Vichy Célestin, Saint Yorre, …) peut être envisagée. Il est important également d’ajouter que ces boissons sont naturellement gazéifiées et que cela peut réduire la tolérance gastrique et réduire le volume de boisson consommée. Il sera parfois préférable de les dégazéifier au préalable.
Pour une boisson maison, l’usage de citrate ou d’acétate de Na est préférable au bicarbonate afin de ne pas altérer la palatabilité de la boisson (4)
La prise d’un repas dans les 2 heures après l’effort avec une consommation d’eau permet également d’augmenter la rétention hydrique par la présence des macro et micronutriments (6).
Le lait comme boisson de récupération ? Quelques auteurs ont comparé la prise de lait à une boisson pour sportif et à l’eau(7, 8). Selon leurs résultats, il semble que le lait écrémé est une boisson adaptée en récupération tant après des séances d’exercices de résistance que d’endurance. L’usage d’un lait fermenté sera préférable pour tout sportif intolérant au lactose.
Les boissons contenant de la caféine sont reconnues comme étant déshydratantes. Ainsi, une limonade light à base de cola est moins réhydratante que de l’eau ou une boisson pour sportif(9). Cependant, Armstrong estime après une large revue de la littérature que les effets de la caféine sur la diurèse sont exagérés (10, 11). Seuls les sportifs ne consommant jamais de caféine seraient susceptibles d’augmenter leurs diurèses.
L’alcool est une substance fortement diurétique. Juste après l’effort, de par la déshydratation et l’hyperthermie, les effets de l’alcool ou des boissons alcoolisées sont amplifiés. L’éthanol agit comme un puissant diurétique en altérant et en inhibant la libération de l’ADH. Plus le sportif consomme de l’alcool après l’effort plus il urinera.
L’alcool a d’autres effets, notamment dans la restauration des réserves glycogéniques.(12)
Quelques cas dans la littérature, mais sans étude spécifique, semblent indiquer que l’alcool, de par son effet vasodilatateur, favorise les enflures dans les sports de contact.
Or, la troisième mi-temps est une institution dans de nombreux sports. Le bon sens veut que les sportifs en période précompétitive ou qui se plaignent de crampes nocturnes, de jambes lourdes le lendemain s’abstiennent de toute consommation. Les risques d’accident de la route après une troisième mi-temps sont également majorés. Il importe de dissuader les (jeunes) sportifs d’une consommation abusive d’alcool.
Toutes les pratiques rencontrées sur le terrain proposant de prendre des substances (plantes, substances, médicaments, …) à effet diurétique, afin d’éliminer les toxines, ne font qu’aggraver une déshydratation.
Les sportifs qui doivent voyager en avion, juste après une compétition, devront être vigilants, car, l’air y est sec et les possibilités de s’hydrater sont faibles. Ceci peut aggraver les effets du décalage horaire ou « jet lag ».
L’hydratation par intraveineuse n’est indiquée que lors de déshydratation majeure (>7% poids corporel) et si le sportif est incapable de s’hydrater. Il ne semble y avoir aucune différence quant à la vitesse de réhydratation (13).
Comme à l’effort, il est indispensable que le goût de la boisson plaise. La perception du goût évolue au cours de la récupération avec une préférence pour les boissons plus concentrées au début. En fonction du type d’électrolytes et de la concentration, le goût sera plus ou moins apprécié par le sportif. L’ajout à l’eau de glucides et/ou d’arômes améliore la consommation. La température idéale se situe aux alentours de 15°C. Ceci afin de réduire la température corporelle centrale en douceur sans induire de problèmes digestifs et de partiellement camoufler le goût saumâtre.
Toutes les 15 minutes sur une période de maximum 6 heures post-exercice, le sportif consommera une boisson de récupération ou un jus de fruit dilué avec de l’eau plate ou une eau minérale bicarbonatée ou encore un repas avec de l’eau. Cependant, il faut tenir compte de la capacité gastrique et du retour à la normale des fonctions intestinales.
En conclusion, il est indispensable que le sportif ne limite pas son hydratation à l’arrêt de l’effort. Ainsi, une meilleure hydratation avant et pendant l’effort sera la meilleure prévention de la déshydratation post-exercice. Pour ce faire, une éducation du sportif et de son entourage doit être envisagée.
Literature Citée
1. Sawka, M. N., Burke, L. M., Eichner, E. R., Maughan, R. J., Montain, S. J. & Stachenfeld, N. S. (2007) American College of Sports Medicine position stand. Exercise and fluid replacement. Med. Sci. Sports Exerc. 39: 377-390.
2. Burke, L. & Deakin, V. (2006) Clinical sports nutrition., McGraw-Hill; ed., Vol. 3th edition.
3. Broad, E. M., Burke, L. M., Cox, G. R., Heeley, P. & Riley, M. (1996) Body weight changes and voluntary fluid intakes during training and competition sessions in team sports. Int J. Sport Nutr. 6: 307-320.
4. Guilland J.C, Margaritis I., Melin G., Pérès P., Richalet J.P. & Sabatier P.P. (2001) Sportifs et sujets à activité physique intense. In: Apports nutritionnels conseillés pour la population française (CNERNA-CNRS & Martin A. eds.), pp. 337-394. Lavoisier, Paris.
5. Maughan, R. J., Owen, J. H., Shirreffs, S. M. & Leiper, J. B. (1994) Post-exercise rehydration in man: effects of electrolyte addition to ingested fluids. Eur. J. Appl. Physiol Occup. Physiol 69: 209-215.
6. Maughan, R. J., Leiper, J. B. & Shirreffs, S. M. (1996) Restoration of fluid balance after exercise-induced dehydration: effects of food and fluid intake. Eur. J. Appl. Physiol Occup. Physiol 73: 317-325.
7. Roy, B. D. (2008) Milk: the new sports drink? A Review. J. Int Soc. Sports Nutr. 5: 15.
8. Shirreffs, S. M., Watson, P. & Maughan, R. J. (2007) Milk as an effective post-exercise rehydration drink. Br. J. Nutr. 98: 173-180.
9. Gonzalez-Alonso, J., Heaps, C. L. & Coyle, E. F. (1992) Rehydration after exercise with common beverages and water. Int J. Sports Med. 13: 399-406.
10. Armstrong, L. E. (2002) Caffeine, body fluid-electrolyte balance, and exercise performance. Int J. Sport Nutr. Exerc. Metab 12: 189-206.
11. Armstrong, L. E., Pumerantz, A. C., Roti, M. W., Judelson, D. A., Watson, G., Dias, J. C., Sokmen, B., Casa, D. J., Maresh, C. M. et al. (2005) Fluid, electrolyte, and renal indices of hydration during 11 days of controlled caffeine consumption. Int J. Sport Nutr. Exerc. Metab 15: 252-265.
12. Burke, L. M., Collier, G. R., Broad, E. M., Davis, P. G., Martin, D. T., Sanigorski, A. J. & Hargreaves, M. (2003) Effect of alcohol intake on muscle glycogen storage after prolonged exercise. J. Appl. Physiol 95: 983-990.
13. Casa, D. J., Maresh C.M., Armstrong, L. E. & t al (2000) Intravenous versus oral rehydration during a brief period: responses to subsequent exercise in the heat. Med. Sci. Sports Exerc. 32: 124-133.
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